Collection Zone Rouge. T’A Pas 100 Balles ! (2/2)

« T’a pas 100 balles ! »
« Détache-moi, il faut que je trouve mes fortifiants. »

Ce sont la première et la dernière phrase que je prononce dans cette maison dont je vois des arbres bougeant sous le vent par la fenêtre dès que le jour se lève.
Je me retrouve attachée nue par Félicien à un lit.
Félicien est un ancien élève du temps ou j’étais au collège.
Lorsque nous sommes entrées au lycée, il avait disparu sans que nous nous posions la moindre question.
Nous étions insouciants, car les changements étaient fréquents, même au cours d’une année.
L’homme que j’ai devant moi est bien loin de la grande asperge qui était le souffre-douleur d’un grand nombre de connards ou de connasses
Il faut reconnaitre que la transformation physique de ce garçon grand mais chétif, à cette époque, à de quoi me déboussoler.
Mais pourquoi m’a-t-il enlevée, ligotée, lavée et couchée contre mon gré.
Où suis-je, dans une vieille cabane, mais où ?
Attendait-il que je me réveille pour me violer alors que pour 100 balles, il pouvait me sauter derrière la pile du pont où j’ai trouvé refuge auprès de Mohamed, un paumé comme moi ?
Recherche de fric pour me payer ce que j’appelle pudiquement mes fortifiants alors que je suis Junkie à l’héro.
Accumulation de conneries commencées le soir de ma réussite au bac.
De là, lente descente aux enfers jusqu’à mon père qui m’a jetée à la rue.
Fortifiant, enfer, j’ai mal au ventre, mais ça fait longtemps que mon cerveau était resté sans un début de lucidité.
Félicien, me remet ma couverture, la chaleur revient un peu dans mon corps, mais je sens qu’un manque est en moi.

• Détache-moi, je me sens mieux, ça va aller, merci de m’avoir aidé !

Il met une main à sa poche.

• Tes fortifiants, c’est ça, j’en ai trouvé sous les cartons où tu t’étais réfugiée avec un Maghrébin en rupture de ban lui aussi.
Un vrai poivrot, il avait du mal à parler.


• Il y avait une boîte en fer dans mes affaires, l’as-tu récupéré ?
• La boîte avec une cuillère, un briquet, une seringue toute pourrie et une bande souple pour te faire ressortir la veine ou piquer et t’injecter ta merde ?
Elle est au fond de la Seine où je l’ai jetée.
Ici, elle te sera inutile.
Regarde ce que je fais de tes fortifiants !

Horrifié, je le vois ouvrir la poche de plastique pour la vider dans une vieille auge en pierre.

• Pauvre con, il y en avait pour 100 balles.
• Tu vois tu dis que tu vas mieux et si je te libère, tu feras tout pour avoir ta dose.
Je te libèrerais quand cette saloperie aura été éliminée de ton corps.
Gilles, mon ami pharmacien m’a dit que ça prendrait des semaines.
Ici au fond d’une forêt dans le cabanon de chasse de mon grand-père, tu auras tout le temps d’éliminer cette pourriture.
C’est lui qui t’a posé ce cathéter et dans cette poche, il y a du glucose et des somnifères.
J’ai dû être trop léger sur la dose de somnifère dans la poche que j’ai installée avant de remonter à Paris, tu aurais dû dormir plus longtemps.
Pour commencer, une bonne nouvelle, avant de t’amener ici, pour te désintoxiquer, il t’a fait une prise de sang qu’il a fait analyser.
À part des carences qui font de toi ce cadavre ambulant, aucune maladie sexuellement transmissible.
Je vais t’enlever le cathéter, à partir de maintenant, je vais te donner de la méthadone en sirop.
Gilles m’en a procuré et m’a prescrit le dosage nécessaire.
Tient avale ta première dose.
• Ta merde, tu peux te la carrer au cul.
• J’ai souvenir du temps du collège, d’une première de classe qui avait un langage châtié pas celui d’une poissonnière.
Avale.

Il me bouche le nez, j’essaye de ruer avec mes pieds, du moins du mieux que je peux à cause de mes attaches, jusqu’à ce que je manque d’air.
Je m’étouffe, mais je sens la méthadone couler dans ma gorge.

Depuis que je me suis fait foudre dehors, c’est plus le sperme des hommes à qui j’ai fait des fellations que j’ai senti couler au fond de ma gorge, que cette saloperie.

À la fin de la journée, je m’attends à ce que mon bourreau se couche à mes côtés et me viole.
Mais,hélas, après avoir fait des centaines de pompes, il déroule un sac de couchage et rapidement se met à légèrement ronfler.

Ce matin, Félicien sort et étrangement revient avec des poireaux et des pommes de terre.

• Je vais nous faire une bonne soupe, poireaux, pommes de terre, du jardin que je fais ici chaque année.
Gilles m’a dit de commencer à te nourrir, tient prend ta dose !
• Il faut que j’aille aux toilettes !

Il me détache et me fait sortir nue.
Pour faire ses besoins, une cabane au fond du jardin avec la planche.
Je me soulage, la petite commission.

Pendant deux jours, je suis une fille sage.
Je prends ma dose de méthadone sans me faire boucher le nez.
Je mange de la soupe, de la soupe et encore de la soupe.
Au début, j’en recrachais plus que ce que j’en avalais, mais tant bien que mal je ressens mes forces revenir.

• Il faut que j’aille aux toilettes.

Il me détache à nouveau.
Dans la cabane, j’ai remarqué qu’une planche sur l’arrière est à moitié pourrie, j’arrive à dégager un passage suffisant pour glisser ma petite carrure et de me retrouver à l’extérieur alors qu’il est devant à m’attendre.
Je pars en courant droit devant moi dans un chemin se trouvant là.
Il doit avoir vu ma fuite et doit me poursuivre.
J’ai mal au pied sur la terre du chemin forestier .
Ce qui devait arriver arriva, la nuit commence à tomber.
À un détour d’un chemin, deux routes possibles.
Je marche en prenant le chemin de droite, une demi-heure et je me retrouve à la même croisée.
Je pourrais m’être trompée, mais une grosse pierre est là avec le chiffre 69 dessus.

Je pars à gauche, même bornes et même chiffre.
De dépit, je m’assieds au pied d’un gros chêne et malgré je froid je m’assoupis.
Dans la nuit noire comme une bouteille d’encre, j’ai des frayeurs à chaque fois qu’une branche craque.
En la moitié de la nuit, je dois vieillir de 10 ans alors que ce que j’ai subi depuis mes premiers shoots d’héro m’a déjà pas mal amochée.
Quand il fait jour, il suffit de regarder mes bras décharnés pour voir que mes veines ont toutes éclaté l’une après l’autre.
Dans la nuit ma peur est si grande que je finis par rebrousser chemin.
Lorsque j’arrive vers la cabane, il est là assis sur les marches à siffler.

• Salopard, tu aurais pu venir me chercher si tu savais que le chemin où je me suis enfui finissait en queue de poisson.
• Qui t’a dit de te sauver, tu dois savoir maintenant qu’il est inutile d’essayer de quitter cette cabane.
Viens que je te réchauffe.

Je m’attendais qu’il me prenne dans ses bras, j’aurais accepté, mais il prend la couverture qui tombait chaque fois et me reconduit sur mon lit.
Le matin, je m’aperçois que je suis couverte de boue.
Sans m’en rendre compte, j’ai marché dans des flaques d’eau boueuse me maculant partout.

• Il faut que je me lave ou est la douche.
• Et après un bon sauna pour ouvrir tes pores de peaux.
Suis-moi, je vais te faire voir, comment te laver à la dure comme j’ai été élevé par mon grand-père lorsque j’ai quitté notre collège.

C’est à ce moment que je me rends compte que je suis restée détachée après mon escapade nocturne.
Dehors, une pompe à roue et une auge.
Il tourne la roue, l’eau sort, l’auge ce remplie jusqu’à déborder.

• Entre et lave-toi.

Je sais ses méthodes lorsque j’ai refusé de boire la méthadone et c’est toute tremblante que je rentre une première jambe.

• Allez l’eau est froide, tu vas t’habi, ça évacue les toxines de la merde que j’ai mise sur l’évier.


Voilà, les jours passes, c’est moi qui épluche les patates.
Je cuis la soupe tous les deux jours et je fais la vaisselle à l’eau froide comme tous le reste.
Dès la nuit tombante, chacun se couche de son côté.

• Ou vas-tu ?
• Me laver.

L’eau froide, je me demande comment j’ai pu me laver à l’eau chaude avant.
De le voir coucher à la dure, finit par me faire pitié.

• Félicien, et si tu venais te coucher à mon côté, il y a de la place pour deux.
• Je sais lorsque je vivais avec mon grand-père pendant les vacances après le décès de mes parents, nous dormions tous les deux tous l’été.

Ça fait deux jours qu’il est près de moi sous la couverture.
D’un coup, un horrible bruit, comme un râle d’agonie presque sous notre fenêtre.
Je me blottis dans ses bras, sans penser à mal.
Ma main se pose sur son slip et je sens une turgescence.
Mon héros bande.

• C’est un cerf qui vient de bramer, cette nuit il va être conçu des petits cerfs dans son harem.

Nous nous embrassons et je descends la couverture pour voir s’il est aussi bien monté que le cerf qui brame une nouvelle fois un peu plus loin.
La pleine lune, éclairant suffisamment notre lit me montre que s’il a su développer ses muscles, au départ mère nature l’a bien pourvue.
Ma bouche a du mal à ce qu’elle rentre.
Sous mon pont, qui me paraît si loin, j’avalais tout ce qui passait sans me poser de problèmes, je m’adapte.

• Tu sais, si j’avais 100 balles !
• Ignoble personnage, tortionnaire, bourreau.

Le bourreau, je l’accepte en moi et c’est divinement que nous faisons l’amour.
Quand il m’offre son sperme bien au fond de mon vagin, j’ai un orgasme.
À ce que je m’en souvienne, je me suis faite baiser par tous mes orifices dans ma détresse héroïnomane, mais avec aucune je me souviens avoir bramé lorsque mon orgasme éclate.
Félicien aussi brame en éjaculant.
J’ignore le temps de gestation des cervidés, mais moi neuf mois plus tard je mets mon fils au monde pour la plus grande satisfaction de son papa.
Bien sûr, nous avons quitté notre cabane qui s’avère se trouver dans les forêts du Morvan, pour une maison dans le village voisin.
Tous les étés, nous prenons nos quartiers pour apprendre à mon fils et bientôt à ma fille, je suis de nouveau enceinte, à vivre une vie de Robinson.

Ce soir, nous sommes venus à Paris pour que Félicien retrouve et me présente à son ami pharmacien.

• Ou vas-tu avec notre fils ?
• Faire un pèlerinage, mon chéri, j’en ai besoin.

Je quitte l’hôtel où nous sommes descendus et poussant ma poussette, je retourne vers le pont où j’aurais pu crever.

• T’a pas 100 balles !
• Non, excusez.

Je passe mon chemin.
Suis-je si indifférente que ça à refuser un billet à ce garçon couchant sous ce tas de cartons, là où je couchais moi-même
Non.
Je sais que si je lui avais donné ce billet que je possède, mais en euros, je l’entretiendrais dans sa quête à de l’argent pour son paradis artificiel.

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